Les premières formes de livres sont des tablettes d'argile ou de pierre (3000 ans avant Jésus-Christ) puis, celles-ci ont été remplacées par les volumens, qui sont des rouleaux de papyrus, et qui sont donc plus légers et plus facilement transportables. Cependant il inclut un usage séquentiel, dépourvu de repères et occupe les deux mains de l'utilisateur. Le parchemin remplace peu à peu le papyrus, permettant une meilleure conservation.
La forme du codex émerge également aux alentours du Ier siècle après JC, mais ne remplace le rouleau qu'environ 400 ans plus tard. Il s'agit du livre fait de pages reliés,
tel que nous le connaissons et qui est encore la forme la plus utilisée pour les livres.
« Le codex est une révolution comparable à l'invention de l'écriture. Le livre n'est plus
un rouleau continu, mais un ensemble de feuillets reliées au dos. De ce fait, il devient possible d'accéder directement à un endroit précis du texte, et de comparer différents points d'un même ouvrage, ce qui est très utile pour l'étude des textes saints. Le codex est également plus facile à poser sur une table, ce qui permet au lecteur de prendre des notes en même temps qu'il lit. »1 Le papier remplace ensuite le parchemin à partir du
XIVe siècle. « Moins cher à produire, il permet une diffusion plus large ».1
Puis, à la moitié du XVe siècle, Gutenberg « réinvente » l'imprimerie (les chinois maîtrisaient en réalité cette technique depuis plus de trois siècles). C'est alors une véritable révolution pour le livre qui peut désormais être reproduit à de nombreux exemplaires (tout en restant à l'échelle artisanale). Cette « invention » prend alors
« un tel essor que le livre peut être considéré comme la première marchandise industrielle produite en grande série ».2
« Il n'est plus un objet unique, écrit ou reproduit à la demande. L'édition d'un livre devient une entreprise, nécessitant des capitaux pour sa réalisation et un marché pour sa diffusion. En contrepartie, le coût de chaque exemplaire baisse très fortement, ce qui augmente considérablement la diffusion du livre ».1
Au XIXe siècle, le livre entre véritablement de plain-pied dans la production industrielle.
On assiste alors à de nombreuses innovations techniques : mécanisation, presses rotatives, machines Linotype… mais aussi création de maisons d'édition et de systèmes de commercialisation.
Au XXe siècle, le livre opère une démocratisation complète avec des techniques de production rapides et de masse puis avec notamment les livres de poche (environ vers 1930) et les clubs de livres. Il devient ainsi un des objets de consommation courante majeur et aujourd'hui, n'importe qui dispose de livres chez lui.
Le livre tel que nous l'employons quotidiennement – sous sa forme de codex – est donc avant tout, et ce quel que soit son contenu, un objet physique en volume, manipulable.
Il ne doit pas être réduit à la simple surface de la page mais pensé comme un volume complet. Il est ce que Michel Melot définit comme « la brique élémentaire de la pensée occidentale ».3
« On peut dire que le livre est né du pli. Prenez une feuille et pliez-la en deux : vous obtiendrez ce qu'on appelle un livre. Il tient debout. Il s'ouvre et se ferme. La feuille est devenue volume. La pensée pliée n'est pas la pensée déroulée. Elle n'occupe ni le même espace ni le même temps. Le pli opère ce prodige de transformer une forme simple en une forme complexe sans rien y ajouter. La feuille passe du simple au double,
au quadruple même et plus s'il le faut. Elle acquiert d'un coup d'ongle la troisième dimension. […] Grâce à la couverture, le livre est complet, achevé. Tout doit être dit
entre la première et la dernière page. Grâce à la couverture, le livre est à lui-même
sa propre boîte, enfermant son contenu comme un secret. »3
On peut aussi noter que sa forme implique une organisation et des pratiques précises.
« La structure physique du codex (volumes, pages, lignes) est bien adaptée aux structures logiques de son contenu (parties, chapitres, paragraphes), et permet la hiérarchisation, la fragmentation et l'articulation des idées en parties et sous-parties.
[…] Voilà en tout cas définis les deux propriétés du codex qui justifient son succès, encore aujourd'hui malgré l'écran : l'écriture y est solidaire de son support qu'on peut pratiquement s'incorporer, le codex, surtout, s'ouvre et se ferme. C'est un objet complet
et autonome. On peut même dire qu'il est autosuffisant. Il renferme une vérité achevée dont la hiérarchie interne peut donc s'organiser d'une manière définitive et stable par rapport à un ensemble fini. »3
Mais cet objet tridimensionnel qu'est le livre est aussi perceptible de plusieurs manières et fait intervenir différentes sensibilités.
« Tous les sens se trouvent sollicités. La dimension tactile rejoint l'appréciation visuelle : remarquer dans un premier temps la tranche ou bien la couverture dans un rayonnage ; ressentir les proportions de l'objet ; toucher la couverture ; soupeser l'objet en le tenant, main ouverte sous la reliure ; l'ouvrir à la première page, au milieu ou à la fin ; le feuilleter ; sentir la texture du papier ; apprécier la qualité d'impression, le déroulé des pages ; se trouver confronté à la composition de chaque double-page, au rapport entre les pleins et les vides ; se voir saisi par une image particulière, par une légende ou par un bout de texte. J'ajouterais : sentir l'encre de l'impression ; voir le détail typographique, l'emplacement de la pagination ; entendre le livre se refermer. »4
Dès lors, l'objet-livre peut être pensé, en plus de son contenu, dans la forme de chacun de ses éléments et dans son ensemble.
« Le livre que j'attrape dans ma bibliothèque, celui que je feuillète sur la table du libraire, s'offre à moi sous la forme d'un objet doué d'un volume et d'un poids spécifiques. Il est rigide ou souple, sa surface apparaît au toucher plus ou moins lisse, la couverture et les pages intérieures présentent une organisation interne particulière.
Les décisions dont résultent ces qualités tactiles et visuelles relèvent aujourd'hui de la compétence du graphiste. »5
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1. Collecif, « Livre (document) », in Wikipédia [En ligne]
http://fr.wikipedia.org/wiki/Livre_(document)
2. BAUR, Ruedi, « Les Supports », in Les 101 mots du design graphique à l'usage de tous, Archibooks, Paris, 2011
3. MELOT, Michel, Livre, L'Œil neuf, Paris, 2006
4. BAUR, Ruedi, « Le Livre », in Les 101 mots du design graphique à l'usage de tous, Archibooks, Paris, 2011
5. DE SMET, Catherine, « Notre livre », in Pour une critique du design graphique, B42, Paris, 2012
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La bible de Gutenberg, premier livre réalisé avec des caractères mobiles, entre 1452 et 1455.
S, M, L, XL, de Rem Koolhaas, conçu par Bruce Mau en 1995.
Biography in Books, Irma Boom, 2010
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